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PROMISCUITÉS : 1 FERROVIAIRE

De réveil en réveil, il se retrouve de plus en plus loin du quotidien qui la tenait. Une fuite ferroviaire pour mettre un peu de lumière dans le zone sombre de la psychée.

EXTRAIT :


Mais pour l’heure, il dort dans un train. Non un bus. Son lit ! Avant tout c’est un lit. Bien. D’abord, avant tout, et pour l’heure, il est dans ce lit, ce lit où il ne dort plus. Son lit,

(grande respiration)

... n’en ai plus pour rien. Il faut un temps. Pour chaque chose. Il faut son temps. Je n’en ai plus. Perdu dans les annulations de mon avenir. Du temps il y en a. A ne plus dormir il y en a. Mais pour

(mouvements des mains sur le visage)

Une micheline. Arrêtée en gare de fortune pour raison indéterminée. Avant en pareilles circonstances, on ne disait rien. Et les gens. Les gens s’inquiétaient-ils, vraiment? Aujourd’hui que des bombes explosent, on se dit que les gens s’imaginent toujours le pire. On se le dit. Alors on les informe comme il se doit. En leur dessinant des phrases qui ne veulent rien dire. Mais pour l’heure. Dans ce train. Une micheline. Où ils ne sont que trois. Il n’est plus question de bombes. On se lasse quand même. De la probabilité infime. On s’en lasse. Et personne ne dit rien.

(grande respiration)

J’ai des meurtres. A force de ne rien faire. Envers et contre tout. S’en affranchir. Assouvir. Des rêves ! à engloutir à en vomir sur des carrosses la dérision des carrefours... (répété à mi voix) Sûr. Des berlines. A en vomir la dérision des carrefours

(mouvements des mains sur le visage)

Dans un train. Il dort. Lui qui ne savait plus dormir. Il dort. Dans un train. Il va se réveiller. Le train roulera sous un soleil d’après midi d’été. Avec falaise d’un coté. Et de l’autre. Plaine avec rivière en bordure ou rivière au milieu. Ce sera selon. Ce sera plus tard. Patience. Car pour l’heure il dort enfin. Dans un train. Il dort.

(grande respiration)

Un train ? Non, je n’ai pas de train à prendre. Non, le bus. ... je vais rater le bus. Pas du tout. Le temps le temps. Le temps de trajet du bus de 6h25, de 6min25 à 8min42, le temps du bus de 7h55, de 10min32 à 16min17, celui du 8h18, de 14min56 à 23min02, le 8h35 de 15min32 à 25min34, 8h43, de 13min55 à 21min47, je ne vais pas rater le bus, le réveil, ne pas regarder le réveil, oublier qu’il est encore si loin de sonner, je m’impatiente, ça, pour l’heure

(mouvements des mains sur le visage)

Une micheline. Arrêtée en gare de fortune pour raison indéterminée. Ce que je sais que les passagers ne savent pas, c’est qu’aucune fumée suspecte ne sortit du vieux diesel de la motrice. Aucun cliquetis anormal, ainsi que noté dans le journal de service. Ce que je sais. L’alcoolisme du chauffeur. A dégluti avant départ les deux Kronembourgs habituelles de son trajet. Manque. Efforts et suées de concentration nécessaire à la conduite. Lumière : l’injecteur. La jambe de bois de ces vieux tacots. Arrêt maintenance Contrôle technique Prudence oblige, des vies sont en jeux ! Et lui dort. Lui. N’a rien su ne saura jamais rien de cet arrêt. Lui dort dans ce train où depuis cet arrêt inopiné, ils sont trois. Lui. Elle, jeune, femme, stoïque. EtEt monsieur Borbory. Gros. Cinquante et. Retrouvé mort par la suite. Je n’ai rien dit. Il n’aurait jamais du monter. Pouvoir monter. Et n’a rien à faire là où il va, mais quand même. Il bougonne. Il tente de se taire. Et bougonne. Veut attendre mais. Tout son corps s’agite. Change d’assise. S’agite s’agite. Se lève. D’un pas lourd de balancier. Déplace le quintal de chair avine. Sur le quai. Fume une gitane en posant régulièrement son oeil goguenard sur l’agent mécano. Et retourne à sa place. Borbory a beau pester dans ses lèvres molles; lui, dort toujours dans ce wagon où il n’y a que le gros, lui, et.

Et elle. Jeune. Femme. Stoïque. Le gros gesticulait. Elle, impassible. Après son clope, le gros n’a de cesse de faire claquer ses lèvres molles en soupirant. Elle. Le front posé sur la vitre. Le corps de travers, avec le regard bas. Posé sur les rails. Tout à l’heure ils défilaient. Maintenant ils sont immobiles. Et rien ne s’est modifié dans la direction de son regard.

(grande respiration)

Il y a un cri... là dans le fond de ma gorge. Un déchirement probable. De tout ce qui me fait. Nuit. Rrr. Ralentir. Il faudrait. Au fond. Congeler. Le fond de ma gorge. Prêt à éclater. (Se prépare à crier) aaa... pff et maintenant que je voudrai crier, j’ai toujours la dent sèche dans ma bouche statique...

(mouvements des mains sur le visage)

Le train redémarre et lui dort. Et l’autre, le gros, se lève et va aux toilettes. Elle. Le train sort du bourg et ses lèvres boudent. Une fois une seconde. Ses paupières se serrent. Elle fait la moue. Puis après encore. Une seconde fois, mais une seconde fois qui dure. Et s’intensifie. Des larmes en bordures de son nez. Le bourg dépassé depuis plusieurs dizaines de secondes, elle éclate en trois sanglots. Ca, les sanglots, ça l’anéantit brièvement à la manière d’une mauvaise toux. Et puis c’en est fini de se décontenancer. Elle s’efface les joues. Et se mouche dans le noir du rimmel qu’elle ne sait pas s’être déposée sur le nez. Elle se mouche. Et lui sans avoir réellement entendu. Lui va se réveiller. Mais ce sera lent très lent. Et doux très doux. Si bien qu’à son éveil, il ne lui paraîtra rien de tout ce qui vient d’avoir lieu. Tant et si bien qu’à son réveil, et selon lui, rien ne sera prédisposé à rien

(grande respiration)

Il y a des promesses qui viennent de loin. Des contreforts de l’enfance. Dévastés par l’aridité des âges. Et l’incendiaire, qui n’est jamais si loin. Sur un tapis verglacé, des crocus écrasés par un bonhomme de neige, la carotte entre les jambes, haut de forme et sourire édenté de cailloux.

(grande respiration)

Il y aura des lampions à mon enterrement. Que j’aurai moi-même choisi dans un tout à 2€. Des lampions et des larmes de cire. De cire et de poussière des années latentes. Il n’y aura personne.

(mouvements des mains sur le visage)

Il est dans un train. Non un bus. Son lit ! Avant tout c’est un lit. Bien. D’abord il est dans ce lit, ce lit où il ne dort plus. Son lit. L’inaltérable train train des insomnies. Immolation sereine de ce que pourrait être le lendemain. Demain ! un fétu de paille, déjà révolu avant même Et sans jamais devenir poussière. A ses yeux. Sans jamais contourner les perspectives d’insignifiance.


(grande respiration)

(mouvements des mains sur le visage)

(grande respiration)

(mouvements des mains sur le visage)

(grande respiration)


Les yeux s’ouvrent sur un alignement de poutres. S’ouvrent. Un clin d’œil. La vie va passer. D’un soleil à l’autre. D’aveugles à toujours plus aveuglés. Doryphores contre termites. Lui, se le répète à chaque fin d’insomnie. Ce matin là aussi. En un clin d’œil. Sa vue. Malgré sa myopie est nette. Le plafond dans les yeux.

« Doryphores contre termites »Il n’a rien fait ne s’est rien dit. Sans prévenir comme les chiffres du radio réveil passent de l’un au suivant. Les yeux en creux et toutes les chairs du visage ankylosées. Cette voix. Elle pourrait être sienne si. Si. Elle pourrait être mais ne fait qu’advenir. Toujours quand lui préfèrerait ne pas l’entendre. Un peu attendre dans le petit désert, avant de se rendre au constat. Inévitable. DeDoryphores contre Termites. Et puis silence.Des fois tout parle si vite qu’on y perd l’équilibre. Qu’on regrette les entraînements sportifs de l’adolescence. A se dire qu’on n’a plus la condition, qu’avant de se le dire, on est déjà distancé par les pensées. Et les pensées. Enchaînent les tours de piste à l’intérieur du crâne et on s’y perd, soi, encore au premier tour, à ne plus savoir si on en verra le bout et. D’autres fois. Silence. Où même plus la volonté qu’il en soit autrement ne transparaît. Il semblerait de l’extérieur que toute l’existence est absorbée d’attente.Mais non. Il n’en est rien. A peine l’écho de... Il l’a sur le bout de la langue, mais silence. A peine le souvenir d’un verdict palpite dans les lointains de la conscience. Et. Cela lui est à peine perceptible. Et les craquements tectoniques. La pression du dehors qui toujours démultiplie l’ampleur de son.... De sa.... Le réveil du dehors qui tente de s’introduire. Qui tente. Tente d’éradiquer l’incertitude de cet espace suspendu à la respiration d’un corps collé au drap par sa sueur. A tout prix se réapproprier l’enclave de cet égaré dans les limbes d’une vision. Le plafond. Dedans. Les yeux. En un clin d’œil. S’ouvrent. Et. Cela lui est à peine perceptible. Et ronfle. La chaudière. Craque. Le parquet. S’ouvrent. En un clin d’œil. Un alignement de poutres !?. Sonne avec parcimonie une goutte sur le fond de l’évier. Rarement. Evènements sonores espacés de. Longues et indéfinissable vagues de.... Silence.... Espacé de.... Silence

Et le bruit du frigo

Et le bruit du frigo

Et le bruit du frigo


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